La relève vue par les apprentis
Dans les métiers de la vigne, la question de la relève est dans toutes les bouches depuis quelques temps déjà. Les vignerons peinent à trouver des employés qualifiés et, sur les bancs d’école, les apprentis se font rares. Afin de débuter cette série sur la relève en viticulture en Valais, nous vous proposons ici un retour sur l’évolution de cette situation et un bref aperçu du point de vue des apprentis à ce sujet.
Durant les 10 dernières années, entre 200 et 240 apprentis (tous métiers de l'agriculture et du paysagisme confondus) ont fréquenté l'Ecole d'Agriculture du Valais par année. Les apprentis viticulteurs représentent environ 10% des effectifs et leur nombre varie entre 20 et 40 par année (1ère, 2ème et 3ème années d’apprentissage) alors que le nombre de diplômé-e-s en viticulture CFC oscille entre 6 et 16 par année.
Entre 2007 et 2011, 108 viticulteurs ont réussi leur CFC à Châteauneuf sur 5 ans, soit une moyenne de plus de 20 CFC par année. Sur les cinq dernières années par contre, moitié moins de CFC ont été obtenus à Châteauneuf (54 entre 2019 et 2023). La baisse est donc visible depuis les début des années 2010 et ces chiffres inquiètent la branche. Nous avons décidé de nous tourner vers les premiers concernés, les apprentis, afin d’essayer de comprendre cette tendance.
Depuis la rentrée scolaire 2023/2024, il y a six apprentis de 1e année dans la filière viticulture et six dans la filière caviste. Sur les douze apprentis, huit ont répondu à nos questions et nous ont expliqué leur choix de formation. La moitié d’entre eux viennent d’une famille active dans le domaine de la vigne et du vin (3 apprentis viticulteurs et un apprenti caviste). Seul un apprenti viticulteur ne vient pas d’une famille du métier.
Dans les autres métiers du champ professionnel de l’agriculture, il existe des disparités entre les professions. Comme les viticulteurs, les apprentis agriculteurs et arboriculteurs ont souvent un lien familial avec le domaine de l’agriculture dans lequel ils ont choisi de se former alors que c’est beaucoup moins le cas pour les cavistes ou les maraîchers.
Les motivations qui ressortent lors du choix de la formation peuvent se séparer en deux catégories. Il y a d’abord les jeunes qui veulent perpétuer une tradition et reprendre l’entreprise familiale ou « rendre fier leurs grands-parents ». Le deuxième type de motivation qui ressort de nos questionnaires est l’aspect saisonnier et varié du métier, le fait de travailler en extérieur et avec la nature ou encore le fait de produire et de transformer un produit, d’être actif sur toute la chaîne de valeur.
Revenons un peu sur la motivation familiale et le fait de souhaiter perpétuer une tradition. Lors de l’analyse des réponses, on remarque que cette motivation à reprendre le flambeau est parfois motivée par la génération des grands-parents plus que par celle des parents. Peut-être que les grands-parents ont plus de distance et laissent plus de place au côté émotionnel de la transmission alors que les parents sont eux plus conscients des difficultés actuelles du métier et donc moins enclins à pousser leurs enfants à se lancer dans la même carrière.
Quant à la vision des parents, la plupart des apprentis mentionnent que lorsque leur décision de s’orienter vers un apprentissage de viticulteur était prise, les réactions de leur entourage étaient positives et qu’ils ont été soutenus.
Jusque-là, rien ne permet d’expliquer le recul du nombre d’apprentis en viticulture. Pourtant, on observe une vraie diminution des effectifs depuis une dizaine d’années dans les classes. Encore une fois, nous nous sommes tournés vers les apprentis pour essayer de trouver des pistes.
Nous leur avons demandé quelles raisons pourraient décourager les jeunes à se lancer dans ce métier et expliquer la baisse d’effectifs dans les classes. Les réponses ont été variées et certaines sont plus inattendues que d’autres. D’après les apprentis, plusieurs freins peuvent entraver la relève et dissuader les jeunes de s’engager dans le secteur de la viticulture :
Pressions économiques
La viticulture est un secteur en proie à une grande variabilité économique, notamment en ce qui concerne le prix du raisin, les coûts de production et les conditions de marché. Il est donc difficile pour les jeunes de s’engager dans un secteur où les revenus sont incertains et où atteindre une rentabilité économique peut sembler difficile.
Travail physique et saisonnier
La viticulture est un travail exigeant sur le plan physique surtout pendant certaines périodes comme les mois d’été ou pendant les vendanges. Les jeunes peuvent être rebutés par de longues heures de travail en plein air, parfois dans des conditions météorologiques difficiles.
Valorisation des études
Les jeunes qui n’ont pas de difficulté à l’école ou qui ne savent pas ce qu’ils veulent faire sont souvent dirigés vers le collège. Les formations professionnelles sont peu mises en avant en général et les métiers de l’agriculture encore moins.
L’alcool
Beaucoup d’efforts sont mis en place pour sensibiliser les jeunes aux dangers de la consommation d’alcool, ce qui peut avoir un effet collatéral négatif sur la vision des métiers de la vigne et du vin.
Bureaucratie
Le travail administratif peut constituer un obstacle pour les jeunes qui souhaiteraient se lancer dans la viticulture.
Les freins identifiés par les apprentis correspondent aux difficultés mises en avant par les viticulteurs professionnels. Nous leur avons cependant demandé ce qu’ils feraient pour mieux mettre en avant le métier et la formation. Il est ressorti plusieurs fois qu’il serait nécessaire de mettre en avant le métier dans les cycles d’orientation car les jeunes qui ne viennent pas du milieu viticole ont très peu de connaissance de ce métier.
Finalement, nous avons demandé aux apprentis ce qu’ils conseilleraient à une personne qui hésiterait à se lancer dans la viticulture. Tous lui diraient d’essayer, de faire un stage et de se lancer car pour eux c’est un beau métier.
Quoi de mieux que d’écouter les jeunes pour essayer de motiver les suivants ?